Gala du ballet belge
La Belgique devait trouver place dans la ronde des ballets qui se nouera pendant six mois sur le plateau du Heysel. C’est pourquoi un ‘Gala du ballet belge’ a réuni en un seul spectacle au Grand Auditorium, le ballet du Théâtre royal de la Monnaie et celui de l’Opéra royal flamand d’Anvers.
Le programme nous a permis de revoir les Bals de Paris, une production chorégraphique de dix tableaux qui avait été créée sur le plateau de la Monnaie le 17 novembre 1954. On a dit, à l’époque, les mérites de ces esquisses dansées où Jean-Jacques Etchevery s’est inspiré de lithographies reproduisant les dessins satiriques des meilleurs caricaturistes du XIXe siècle, tels que Gavarni, Grandville et Henri Monnier.
On sait comment onze compositeurs de chez nous ont collaboré à cette chronique de la vie parisienne dont les illustrations – extrêmement pittoresques – étaient commentées par les lyrics de Gilles Vandée (André Burgaud), les rôles chantés étant tenus par Mme Ysel Poliart et par son compère M. Michel Trempont. Les décors et les costumes rajeunis, pour la circonstance, ont fait merveille, et il est juste d’associer au succès des artistes de la danse, du chorégraphe (Jean-Jacques Etchevery), du chef d’orchestre (René Defossez) les noms de Suzanne Fabry, d’Edmond Delescluze et de Roger Broe, qui ont donné à cette ingénieuse reconstitution tout son éclat coloré.
Le ‘Bal blanc’ a trouvé en Francis de Bourguignon un orchestrateur sensible et Jeanine Berdel a prêté toute sa grâce à la jeune fille qui reçoit ses petites amies.
Pour le ‘Bal de barrière’ de Léon Jongen, Jean-Jacques Etchevery a déployé une mise en scène particulièrement suggestive. Le climat d’un tapis-franc nous est restitué avec une singulière véracité tandis qu’évoluent les personnages d’ Eugène Sue campés avec beaucoup de conviction par Dolorès Laga, André Leclair et par leurs camarades.
Paulette Kellen a su éviter tout vulgarité dans le rôle délicat de la Lorette dont les aventures galantes avaient été confiées à Gaston Brenta. Mario Ohn y fut un ‘Valet de table’ burlesque.
Triomphe de la mise en scène ensuite dans le ‘Bal de l’Opéra’ où la musique de Pierre Moulaert a entraîné irrésistiblement une farandole de travestis et de masques menée par Jacques Sausin. On a tenu à applaudir ici la virtuosité de Dolorès Laga que fera, par contraste, une surprenante composition dans le ‘Bal chez la portière’ de Raymond Chevreuille aux côtés de Louise Labens et d’autres ‘locataires’.
Il faudrait dire encore comment Victor Legley est passé du grouillant au sentimental dans le ‘Bal des halles’ et comment Jean Absil a conçu un bal élégant vers 1850, tandis que Pierre Froidebise recourait à un essai de musique prudhommesque pour le ‘Bal chez le voisin’, une pantomime où Jean De Cock n’a pas, comme dans les numéros précédents, l’occasion de montrer son savoir-faire.
Le bal final, celui des Ambassadeurs, a été enlevé avec brio par toute la troupe, le cancan très personnel de Jacques Stehman permettant de clôturer sur une note résolument allègre cette incursion dans les plaisirs saltatoires d’un autre âge.
Faute de ne pouvoir citer encore les coryphées et tous les artistes du corps de ballet, rendons un hommage collectif à la troupe entière qui s’est montrée dynamique, enjouée, impeccable dans des mouvements d’ensemble malaisés à régler.
‘Pierlala’
En fin de programme, l’Opéra royal flamand d’Anvers présentait Pierlala, une œuvre de Daniel Sternefeld qui fut créée en 1938. Depuis 1952, Jeanne Brabant, directrice de l’école anversoise de ballet, a donné à ce ballet une nouvelle chorégraphie. De la vieille chanson populaire qui conte en 24 strophes, les aventures de Pierlala, un proche cousin d’Uylenspiegel, le scénariste J. Diels a tiré quelques tableaux hauts en couleur où les danses paysannes alternent avec les cortèges funèbres.
Jaak Van Luyth fut un Pierlala fantastique et drolatique, ainsi que le veut la légende, et Paula De Schepper fut pour lui la douce compagne dans la tradition de Nele. Mais on admira surtout l’évolution des ensembles réglés avec le sens aigu d’une plastique mouvante qui remonte aux fabliaux à travers Teniers, Breughel et Jérôme Bosch.
Du point de vue chorégraphique, l’œuvre s’apparente au style expressionniste qui reste en faveur dans le nord de l’Europe et au-delà du Rhin. Elle est, en tout cas, bien accordée à l’esprit narquois et désinvolte de cette sotie médiévale ou baroque dont le chansonnier Renaat Verbruggen a détaillé avec complaisance la truculente bonhomie.
Ballet belge? Deux styles se sont opposés et proposés au discret arbitrage des spectateurs étrangers. On eût préféré des créations s’inspirant du thème de l’Exposition. Mais ne jouons pas à l’empêcheur de « baller » en rond…