Danses balinaises
Le Séminaire de la Danse a invité la danseuse balinaise Njpollok, épouse du peintre belge Le Mayeur, à donner à l’Atelier quatre récitals dont le premier a obtenu, mercredi soir, le plus chaleureux succès.
Le cadre intime créé par Marcel Hastir convient particulièrement à ces spectacles d’art qui dédaignent l’effet théâtral pour mettre l’accent sur l’intensité intérieure, sur la vertu lyrique de ces évolutions rituelles de Bali qui relèvent d‘une esthétique et d’une éthique également millénaires.
Les Balinais eux-mêmes ont perdu le chiffre de ce langage complexe où la chironomie des moudras, la mobilité du regard alternant furtivement avec sa fixité, les piétinements en rond et les imperceptibles glissades composent le plus abscons des poèmes dansés.
Dès lors, il importe que nous entrions en ce grave divertissement avec le même état d’esprit que les Balinais. Le programme présenté par Njpollok et par son élève Nicole formait tout un ballet. C’était l’histoire du radjah Prabulasam qui se retire dans la montagne pour y mener la vie de Bouddha. En ce haut lieu, il doit lutter contre la tentation et contre un aigle qu’il finira par chasser.
Les différentes phases de cette aventure spirituelle sont illustrées par des images plastiques extrêmement séduisantes dans leur subtilité allusive et dans le chatoiement des étoffes brochées d’or. Un délicat envoûtement naît de cette fresque mobile, surtout dans la scène finale qui met aux prises le royal anachorète (Nicole) et l’aigle prométhéen (Njpollok).
Comment ne pas songer ici à Prométhée, si proche de l’Asie, et dont l’histoire mise en ballet par les chorégraphes occidentaux n’est guère plus intelligible, d’ailleurs, que la version balinaise. C’est que, parvenue à un haut degré de dépouillement dans le figuré, la danse rejoint le climat de la métaphysique. Le mot peut paraître lourd, mais chaque fois que l’Asie nous propose ses mystérieuses chorégraphies, notre sensibilité européenne comprend que tout le destin de l’homme est remis en question en quelques signes chargés de sens.
Ainsi en est-il devant ces simples danses intimistes de Njpollok qui nous rendent tout proche le discret enchantement de la danse orientale.